Un concours pour Notre Dame du Saint Cordon à Valenciennes en 1850

Cet épisode est relativement obscur dans l’histoire de la basilique. La composition du jury n’est pas connue. Toutefois les Annales Archéologiques dans leur livraison de 1850 dressent un bilan : dix candidats selon Didron ont soumis un projet, parmi lesquels Henri de Baralle de Cambrai, Jean-Baptiste Bernard de Valenciennes, et Alexandre Grigny particulièrement connu à Arras. Le Chanoine Henri LANCELIN, dans son Histoire de Notre Dame du Saint Cordon, patronne de Valenciennes, en 1924, ne fait qu’une brève allusion au concours. Les Archives Municipales de Valenciennes ont néanmoins conservé les dessins de l’architecte Alexandre Grigny qui dirigera la construction et un calque de Jean-Baptiste Bernard représentant une façade de son projet pour la basilique. Ce sont les incertitudes financières qui semblent avoir obligé le Conseil de Fabrique de Notre Dame à annuler le concours, en dépit, selon Didron, de l’agrément qu’avait obtenu le projet de Baralle auprès de l’administration centrale. Les trois concurrents cités par Didron appartiennent en fait au même milieu d’artistes et de notables provinciaux acquis d’avance au renouveau du style gothique pour l’architecture chrétienne.

Henri de Baralle (1827-1882) vit et travaille essentiellement à Cambrai aux côtés de son père André de Baralle (1804-1872), auquel il succédera et qui remplit à la fois les fonctions d’architecte de la ville, d’architecte diocésain et plusieurs fois celles d’architecte départemental au gré des réformes intervenues entre 1828 et 1870 au sein du Ministère de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts. Il est aussi membre de la commission départementale des bâtiments civils et à ce titre en relation étroite avec certains membres du conseil général des bâtiments civils et du Ministère dont les décisions sont souveraines. Ceci pourrait expliquer le premier prix obtenu au concours de Valenciennes en 1850 !

Jean-Baptiste Bernard est né à Lille (1802-1856). Ancien condisciple d’André de Baralle à l’École des beaux-arts, dans l’atelier de Chatillon, il a fait ses premières armes d’architecte sur des chantiers d’églises de l’Artois, en particulier lors de la reconstruction de la nef de l’église de Monchy-le-Preux. Il semble avoir noué des liens solides avec Alexandre Grigny, établi maçon à Arras depuis 1835. Il rejoint Valenciennes pour y remplir les fonctions d’architecte de la ville à la mort d’Aubert Parent en 1839. Ses relations avec Grigny, agréé architecte en 1842, semblent avoir joué un rôle dans le choix final de ce dernier pour la construction de Notre Dame du Saint Cordon.

Alexandre Grigny (1815-1867) est né à Arras où il est installé comme maçon, puis architecte en 1842. Son premier chantier, la chapelle des Bénédictines du Saint-Sacrement, dans le nouveau style gothique, lui vaut le respect de ses pairs et les honneurs. Il reçoit pour ce monument la grande médaille du Congrès Archéologique, réuni à Lille en 1845, sous la présidence d’Arcisse de Caumont, président de la Société Française d’Archéologie et ardent pionnier avec Didron de la renaissance «du style ogival du XIIIesiècle» en France. Dès lors, Alexandre Grigny passe pour être le praticien le plus expérimenté dans ce nouveau style. C’est à ce titre que les catholiques de Genève le sollicitent pour leur église Notre Dame dont il réalisera les plans et supervisera la construction de 1852 à 1859, en dessinant aussi le mobilier du monument.


Entre les trois personnalités que sont de Baralle, Bernard, et Grigny, la partie jouée à Valenciennes était donc serrée. Ce sont vraisemblablement des considérations financières résultant du montant des devis et l’amitié liant l’architecte de la ville Jean-Baptiste Bernard et Alexandre Grigny qui peuvent expliquer l’annulation d’un concours demeuré relativement local. Le désarroi de Didron et des milieux ecclésiastiques et archéologiques qui ont laissé s’échapper l’occasion d’orchestrer une manifestation en faveur de la nouvelle architecture sacrée en est d’autant plus profond. C’est bien ce qui transparaît dans le compte-rendu des Annales Archéologiques en 1850 qui confirme le choix d’Alexandre Grigny d’Arras pour ériger Notre Dame du Saint Cordon. Didron et quelques personnalités éminentes retirent de cette occasion manquée l’idée d’une prochaine et vaste compétition, orchestrée par un jury international et ouverte aux architectes de toute l’Europe, afin d’échapper aux réserves de l’administration centrale et aux réseaux. Le concours pour la construction de Notre Dame de la Treille à Lille en 1854 en sera la concrétisation.

Marie-Josèphe LUSSIEN-MAISONNEUVE
Maître de Conférences d’Histoire de l’Art